Une scène du spectacle “Le chant de l’arc-en-ciel. / Photo : Frantz Samuel Suffren
Pour
la première fois qu’elle enregistre une performance, la représentation
théâtrale « Le chant de l’Arc-en-ciel » met le doigt sur la plaie.
Centré sur la violence faite aux femmes, initié par Darline Gilles dans
le cadre du festival international d’Arts et de Poésie « ’Cri de
Femmes »’, ce spectacle, réalisé autour de la réalité des femmes dans le monde,
décroche le rideau d’un système d’injustice et d’inégalité. Comble de
la réalité, ceux qui ont assisté au spectacle le lundi 28 mars au Centre
de renforcement intellectuel et culturel d’Haïti (CRICH), étaient plus
que spectateurs.
Dans une salle timidement éclairée, au Centre de Renforcement intellectuel et culturel d’Haïti (CRICH), ce lundi soir frisquet, un silence de cimetière règne. Le public qui attend depuis déjà une heure s’impatiente. Soudain, des gémissements et des cris de toutes tonalités confondues résonnent. Sept jeunes marabouts de la troupe AS d’art, masquées, quasiment nues, rentrent en scène, dans un mouvement de va-et-vient, de saccade. On dirait des folles. Des rêveuses. Elles se mettent à marmonner « Femmes, féminité, misogynie, sexisme, mutilation, excision, marginalisation, exploitation, domination, inégalité. » Le public, curieux, est aussitôt conquis.
Dans
« Le chant de l’Arc-en-ciel, Darline Gilles, retrace l’itinéraire des
femmes violentées, marginalisées, et excisées, à travers le monde. Elle
donne la parole aux femmes contraintes au silence. À celles qui ont
entendu tant de mensonges, tant de mythes, qui ont connu tant de
martyres, qu’elles arrivent à croire à leur propre infériorité. “Le
chant de l’arc-en-ciel”, ce spectacle de chant, de danse et de poésie,
est conçu pour exprimer la frustration, la colère et la soif de liberté,
des femmes victimes d’un système d’injustice et d’inégalité à travers
le monde. Chaque comédienne représente une couleur de l’arc-en-ciel.
Chaque couleur traîne derrière elle une légende, un caractère ; une
voix, porteuse de revendications. Le violet, pour réapproprier son
corps ; le vert, pour l’épanouissement ; le bleu, pour la féminité ; le
jaune, contre la discrimination ; l’orange, pour la créativité ;
l’indigo, pour la justice et l’équité de genre ; et le rouge, pour la
liberté sexuelle. “Le goût de l’aventure, le besoin de conquête, sont
des caractères d’hommes ? Vous me faites rire. Moi, je vivrai ma passion
dans le corps comme dans l’âme. Je porterai ma liberté comme la soie et
la dentelle dans ma plus profonde intimité. Ma voix suintera le feu de
mes pulsions. Mon chant sera rouge, sauvage comme la rose en plein
épanouissement.”
Cette
pléiade d’artistes rend manifestement un pan de la réalité des femmes Ã
travers des chansons, où l’on entend des extraits distincts de mélodies
traditionnelles, entrecoupés de chorégraphies incluant des tours de
rein et des déhanchements salaces. L’alliage entre le texte et la mise
en scène est parfait. Tantôt elles chantent, tantôt elles se taisent,
cherchant des mots pour exprimer leur rage contre ce système qui leur
font croire qu’il suffit d’être belle, de bien se comporter et plaire
aux hommes. Dans des soupirs, des cris, des gestes de courbature, des
haussements de voix, elles disent non à l’inégalité, à la
marginalisation, Ã la violence faite aux femmes. “La politique c’est
pour les hommes, dites-vous. Je vous donnerai raison, quand la science
aura démontré que les testicules ont un cerveau. En attendant cette
fascinante découverte, j’affirmerai mon énergie, mon dynamisme, et ma
créativité.”
Ce
méga-spectacle a mis en scène, Darline Gilles, Lucenda Boucard,
Magdalena Eugène, Marsha V. Eveillard, Shelove Dupérier, Maria S.
Baptiste, Love Félix, et Naïka Vernet. En collaboration avec, Adjamile
Marcelin, Sofie Douda, et Samuel Suffren. Écrit et mis en scène par la
fondatrice de l’organisation féministe D’Elles, Darline Gilles, “Le
chant de l’Arc-en-ciel” est présenté dans le cadre du Festival
international d’arts et de poésie “Cri de femmes”. C’est un festival
annuel organisé du 1er au 31 mars à travers le monde en vue
d’une sensibilisation contre les violences faites aux femmes. Ce
festival international, initié par un groupe de femmes poètes
dominicaines (Mujeres Poetas Internacional, MPI), est à sa sixième édition.
Et Haïti est à sa troisième participation sous la coordination de
l’organisation féministe D’Elles.
Aljany Narcius
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